L’Autorité de la concurrence dénonce la « rente » des sociétés d’autoroutes
Le verdict de l’Autorité de la concurrence est sans appel : l’Etat doit « reprendre la main » face aux sociétés concessionnaires d’autoroutes (Vinci, Eiffage…) qui profitent d’une véritable « rente » sans rapport avec les coûts qui leur incombent, explique-t-elle dans un avis publié hier, rendu à la demande de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Cette autorité indépendante, chargée de veiller au respect de la libre concurrence, met en cause l’abus des sociétés d’autoroute, dont le monopole leur offre une « rentabilité exceptionnelle » de 20 à 24 %. « En d’autres termes, pour 100 euros de péages payés par l’usager, entre 20 et 24 euros sont du bénéfice net pour les concessionnaires d’autoroutes », explique l’avis, une situation nourrie par l’augmentation des tarifs des péages, « bien plus rapide que l’inflation » et « largement déconnectée de leurs coûts ». Entre 2007 et 2013, le prix du kilomètre parcouru est ainsi passé de 9 à 10,4 centimes d’euro, soit une augmentation de 15,5 %. Depuis la privatisation des sociétés d’autoroute en 2006, trois entreprises se partagent 92 % du chiffre d’affaires du secteur : Vinci, Eiffage (les deux géants français du BTP), et l’espagnole Abertis. Selon le document, l’argument des sociétés d’autoroutes qui justifient l’augmentation des tarifs par la dette qu’elles assument depuis la privatisation (28,3 milliards d’euros en 2013), est fallacieux : non seulement cette dette n’est « pas risquée » et remboursable sans difficulté, « mais elle leur permet en plus de bénéficier de l’avantage fiscal découlant de la déductibilité totale des intérêts d’emprunts », évalué à 3,6 milliards depuis 2006. En outre, l’Autorité de la concurrence, alerte sur un potentiel mélange des genres entre les sociétés d’autoroutes et leurs maisons-mères, spécialisées dans le bâtiment, dès qu’il s’agit d’entretenir le réseau autoroutier : leur appartenance aux groupes Vinci et Eiffage peut « les mettre dans une position plus favorable que leurs concurrentes dans les appels d’offres ». En conséquence, l’autorité formule treize recommandations, dont la principale est de « mettre en place une nouvelle formule de calcul du tarif des péages (…) susceptible de limiter leur hausse, voire de permettre leur baisse ». L’avis suggère également de confier à une « autorité de régulation indépendante » (on imagine qu’il s’agit de l’Autorité elle-même) des « missions d’expertise, de contrôle et de sanction ». Elle préconise, « si la rentabilité des sociétés concessionnaires continuait à augmenter, d’introduire des clauses de réinvestissement et de partage des bénéfices au bénéfice de l’Etat ». Enfin, l’Autorité de la concurrence recommande de renégocier le plan de relance autoroutier, qui doit permettre aux sociétés de prolonger leurs concessions de six ans, aux mêmes conditions ; en contrepartie, elles devraient effectuer 3,6 milliards de travaux. Télécharger l’avis de l’Autorité de la concurrence sur les sociétés d’autoroutes.