HISTOIRE DE LA RÉAUTORISATION DU GLYPHOSATE EN EUROPE
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Uriner dans un tube et pisser dans un violon, histoire de la réautorisation du glyphosate en Europe
Publication: 17/05/2016 18h55 CEST Mis à jour: il y a 2 heures
Quarante-huit membres du Parlement européen se sont prêtés à un exercice inhabituel pour des parlementaires habitués à commander, lire et débattre de rapports: ils sont devenus eux-mêmes les sujets d'une étude scientifique.
A l'heure où l'Union européenne envisage de maintenir sur son marché pour neuf ans encore le glyphosate, une substance active de l'herbicide le plus vendu au monde -le RoundUp de Monsanto- dont des traces sont retrouvées dans des produits de consommation courante -dont les tampons et serviettes hygiéniques- ces élus ont cherché à mesurer l'étendue de la contamination par le biais... de tests d'urine.
Si le glyphosate est connu pour se retrouver dans l'air, l'eau, la terre et notre alimentation, plusieurs tests conduits ces dernières années ont révélé sa présence dans l'urine des Européens. Sans surprise donc, les élus de treize pays européens ont toutes et tous été contrôlés positifs à cette substance. Le laboratoire allemand Biocheck Laboratory, qui a prélevé les échantillons d'urine, a confirmé avoir découvert en moyenne 1.7 microgramme/litre de glyphosate dans l'urine d'un député européen, soit 17 fois plus que le 0.1 microgramme/litre autorisé dans l'eau potable.
En tant que participants à cette étude, et si nous n'avons pas la prétention que la qualité de notre urine atteigne celle de l'eau de consommation courante, nous sommes inquiets. Inquiets de voir l'Union européenne faire tout le contraire de ce qu'on attendrait d'elle face à un problème de santé publique, mais également indignés de voir une fois encore le peu de cas que font la Commission et les États européens de l'opposition citoyenne et de celle de ses élus.
Car le Commissaire européen à la Santé et l'Autorité Européenne de Sécurité des Aliments le reconnaissent eux-mêmes: on ne peut pas exclure que le glyphosate ne soit pas un perturbateur endocrinien. En d'autres termes, il se pourrait fort bien qu'il dérègle par exemple notre système reproducteur. Or, les perturbateurs endocriniens sont des substances sans seuil. Cela signifie qu'une dose infinitésimale peut être très dangereuse, bien loin du concept devenu obsolète qui affirme que la dose fait le poison. Le Bisphénol A peut par exemple être plus dangereux à très faible dose qu'à moyenne dose, cela dépend du moment de notre vie auquel on y est exposé.
En plus de ces effets supposés sur notre système hormonal, le glyphosate a été classé comme "cancérogène probable" par l'Organisation Mondiale de la Santé. Un classement qui ne semble pas impressionner la Commission européenne puisque celle-ci a proposé aux États européens de continuer à l'autoriser pour une période de neuf ans sans aucune restriction d'usage. La décision finale incombera jeudi 19 mai à un comité d'experts venus de tous les États européens, experts dont on ne connaît ni l'identité ni les liens d'intérêts avec l'industrie des pesticides.
D'ailleurs, à l'approche de la décision finale prévue le 19 mai, l'industrie contre-attaque dans une publication parue ce lundi 16 mai. Le Joint Meeting on Pesticide Residues (JMPR), un comité affilié à l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et à l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO) estime que le glyphosate n'est probablement pas cancérogène. Le JMPR n'a étudié l'impact du glyphosate que dans l'alimentation mais ne s'est pas intéressé à la présence de cette substance dans l'air, l'eau, la terre... ou dans notre urine. Des oublis qui arrangent peut-être certains experts du JMPR comme Alan Boobis, vice-président de la branche européenne de l'International Life Sciences Institute (ILSI), une organisation financée par les plus grands marchands de pesticides de la planète comme Monsanto ou Syngenta.
Cette étude semble une bien pitoyable bouée de sauvetage pour les avocats du glyphosate à quarante-huit heures de la décision finale. Pourtant, le résultat n'en reste pas moins incertain. La Commission européenne a déjà su par le passé profiter des divergences entre États européens pour obtenir gain de cause. Récemment encore, elle a pu compter sur de nombreux alliés au Parlement européen pour saborder une motion d'opposition à la réautorisation du glyphosate que nous portions à Strasbourg.
S'il est important donc que des mouvements comme "Nuit debout" ou "WeMove" appellent à la mobilisation à Bruxelles en amont du vote, il est désormais tout aussi crucial d'en finir avec de tels processus décisionnels. Ces décisions de "comitologie" où l'on écarte les co-législateurs européens, font fi des plus basiques principes de transparence et d'éthique et reposent bien souvent sur des éléments scientifiques sélectionnés arbitrairement.
En nous livrant à ces tests nous souhaitons donc lutter contre cette impression parfois de pisser dans un violon quand il en va de l'interdiction en Europe de substances dangereuses pour la santé. Que Ségolène Royal s'oppose à cette réautorisation est une nouvelle rassurante pour la France, qu'elle soit prête à monter au créneau auprès de ses homologues européens contre ce type de pratiques serait une avancée pour l'Union européenne.
Cosignataires:
José Bové
Karima Delli
Pascal Durand
Yannick Jadot
Eva Joly
Michèle Rivasi
Les résultats (en anglais) des tests : http://www.greens-efa.eu/fr/we-are-pissed-off-15542.html