La loi biodiversité détricotée par la droite sénatoriale
Communiqué de presse, 13 mai 2016
La loi biodiversité détricotée par la droite sénatoriale
Le groupe écologiste a voté contre le projet de loi biodiversité modifié par le Sénat au regard des graves reculs du texte opérés par la majorité sénatoriale de droite. L’esprit de compromis qui avait prévalu en 1ère lecture ne s’est pas retrouvé lors de cette 2ème lecture et les lobbys de la chimie, de l’agro-industrie, de la chasse et du béton ont pesé de tout leur poids pour freiner toute reconquête de la protection de la biodiversité.
Ronan Dantec, chef de file pour le groupe écologiste du Sénat, estime que “la majorité de droite a refait de la biodiversité une variable d’ajustement des autres politiques et ne considère en rien sa reconquête comme une priorité, mais plutôt comme un obstacle pour des activités qu’elle ne souhaite pas voir évoluer.
C’est pourtant l’avenir de l’Homme, sa santé, son bien-être et ses activités économiques, qui sont en jeu. Et ce déni de réalité ne peut que nous inquiéter pour ces prochaines années.”
Les sénateurs ont reculé sur la taxation de l’huile de palme, ainsi que sur les pesticides néonicotinoïdes, dont la la date butoir de retrait a été supprimée. Joel Labbé, Sénateur du Morbihan a fait part de sa profonde déception : “C’est encore la victoire des firmes de l’agrochimie et du Président de la FNSEA”.
Pour Marie-Christine Blandin, Sénatrice écologiste du Nord, "les reculs opérés sur la lutte contre la biopiraterie (application de la convention de Nagoya) sont scandaleux !".
La droite sénatoriale a détruit le juste partage des avantages des ressources génétiques, modeste droit des communautés d'habitants ultra-marins, pour accroître le bénéfice des entreprises.
“Encore une fois, le Sénat s'est affiché peu soucieux de la biodiversité et donc des ressources des générations futures”, indique la Sénatrice.
On peut tout de même relever quelques avancées à partir d’amendements écologistes : sur la protection systématique des espèces endémiques menacées, la non brevetabilité de gênes présents dans la nature dits “traits natifs”, la légalisation des échanges de semences et la protection des allées d’arbres. Nous saluons aussi le travail réalisé par le Sénat sur le préjudice écologique qui est une avancée importante du travail parlementaire.
Cependant, cela ne suffit pas à rendre ce texte satisfaisant. Comme le souligne Hervé Poher, sénateur du Pas-de-Calais, citant Pierre Dac “Monsieur a son avenir devant lui, mais il l’aura dans le dos chaque fois qu’il fera demi-tour...Le Sénat a fait demi-tour”. Le groupe écologiste demande à ce que ce projet de loi, aujourd’hui gravement affaibli, retrouve son ambition avant son adoption définitive.
Contact presse :
Bérengère Batiot, 06 87 43 39 29
Le Sénat a adopté une loi sur la biodiversité largement édulcorée
Le Monde | 13.05.2016 à 10h39
Les sénateurs ont adopté en deuxième lecture, dans la nuit de jeudi à vendredi 13 mai, un projet de loi sur la biodiversité largement édulcoré. Alors que cette future loi-cadre, déposée par le gouvernement en mars 2014, suivait jusqu’ici un parcours législatif favorable, son passage au Sénat aura été marqué par une longue liste de renoncements.
Beaucoup plus audacieux en première lecture, les sénateurs ont reculé notamment sur la taxation de l’huile de palme et sur les pesticides néonicotinoïdes, considérés comme nocifs pour les abeilles.
Lire aussi : Les sénateurs étrillent la loi sur la biodiversité
Le poids des lobbys
« J’attendais beaucoup de cette lecture au Sénat, on m’avait vanté le débat constructif et respectueux de la première lecture et j’espérais un débat de la même qualité », a commenté la secrétaire d’Etat chargée de l’environnement, Barbara Pompili. Mais « les convictions chevillées au corps de la secrétaire d’Etat que je suis sont un peu déçues. Je regrette que l’on en soit encore à des considérations que je croyais dépassées ».
« L’esprit de compromis qui avait prévalu en première lecture ne s’est pas retrouvé lors de cette deuxième lecture et les lobbys de la chimie, de l’agro-industrie, de la chasse et du béton ont pesé de tout leur poids pour freiner toute reconquête de la protection de la biodiversité », a aussi accusé le chef de file écologiste pour le texte, Ronan Dantec.
Lire aussi : Le préjudice écologique et les néonicotinoïdes, enjeux de la loi sur la biodiversité
« Nous nous réjouissons de la reconnaissance du préjudice écologique », a déclaré Jean-Jacques Filleul, du Parti socialiste (PS). « Mais le principe de zéro perte nette de non-régression de la biodiversité a malheureusement disparu, comme les dispositions sur la biopiraterie, la taxe sur l’huile de palme et les gains de biodiversité. » « Le débat a bien peu tenu compte de la science qui démontre sans ambiguïté que la biodiversité s’effondre, que les pertes s’accélèrent en Ile-de-France », a ajouté Chantal Jouanno.
« Deux acquis importants »
Le président de la commission du développement durable, Hervé Maurey (UDI-UC), a salué au contraire « deux acquis importants de cette lecture : la création du préjudice écologique d’une part ; les néonicotinoïdes d’autre part ». Le Sénat s’est prononcé jeudi pour une diminution progressive de ces derniers, mais sans fixer de date limite comme le souhaitait le gouvernement.
Seuls 208 sénateurs, sur 341, se sont prononcés à l’issue du nouveau débat : 156 ont voté pour et 52 contre, les socialistes s’étant abstenus. Le texte doit faire à présent l’objet d’une commission mixte paritaire chargée de trouver une version commune avec l’Assemblée. En cas d’échec, les députés auront le dernier mot après une nouvelle lecture.
Loi biodiversité : les sénateurs refusent de fixer une date butoir à l’interdiction des néonicotinoïdes
Les sénateurs ont adopté en seconde lecture le projet de loi sur la reconquête de la biodiversité. Sur la question des néonicotinoïdes, ils ont refusé de fixer une date butoir pour leur interdiction et s’en remettent à l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). Les sénateurs ont par ailleurs validé l’inscription du préjudice écologique dans le code civil mais renoncé à instaurer une taxe sur l’huile de palme. Le texte doit désormais passer devant une commission mixte paritaire d’ici la fin du mois de mai.
Selon les organisations écologistes, qui plaident pour l'arrêt total et rapide des néonicotinoïdes, 30% des colonies d'abeilles meurent chaque année, contre 5% avant l'introduction de ces pesticides sur le marché français en 1995.
Fred Tanneau / AFP
C’est l’un des principaux sujets de discorde entre députés et sénateurs au sujet de la loi biodiversité : l’interdiction des insecticides de la famille des néonicotinoïdes, utilisés dans l’agriculture et considérés comme nocifs pour les pollinisateurs, notamment les abeilles.
Le gouvernement n’aura pas réussi à créer le consensus. En deuxième lecture, les députés avaient introduit une interdiction des néonicotinoïdes à compter du 1er septembre 2018, repoussant son entrée un vigueur d’un an et demi par rapport au vote en 1ère lecture pour "laisser le temps à la profession agricole de s’adapter". Hier, dans la soirée, les sénateurs ont refusé de fixer une date butoir à l’interdiction de ces pesticides et acté que l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) se chargera d'identifier et d'interdire les usages des néonicotinoïdes si des produits de substitution présentent un bilan bénéfice-risque plus favorable.
Le revirement du gouvernement
L’amendement déposé par le gouvernement proposait de venir à bout de ces pesticides de manière "progressive et transversale au plus tard le 1er juillet 2020". Une position de compromis qu’il avait fallu trouver entre le ministère de l’Écologie et celui de l’Agriculture. "Nous avons beaucoup phosphoré pour trouver cette solution de compromis la plus adaptée possible" et qui introduit "une date butoir indispensable" a déclaré Barbara Pompili, la secrétaire d'État chargée de la biodiversité, devant les sénateurs, évoquant ainsi une "méthode pragmatique".
Le 11 mars, le ministre de l'Agriculture avait envoyé une lettre aux députés, en amont de l’examen du texte en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, pour les inciter à ne pas voter en faveur de l’interdiction totale des insecticides néonicotinoïdes. Stéphane Le Foll invoquait alors les possibles "distorsions entre les agriculteurs français et le reste des agriculteurs européens".
Finalement, le gouvernement est arrivé à une position commune et a d’ores et déjà saisi l’Anses afin qu’elle évalue le bilan bénéfice-risque de ces pesticides par rapport à des solutions de substitution. A partir de ces résultats, attendus le 31 décembre 2016, le gouvernement souhaitait que les néonicotinoïdes soient interdits au cas par cas dès le 1er juillet 2018, puis de manière générale à partir de juillet 2020. Mais les sénateurs ont en partie vidé l’amendement de sa substance et fait disparaître la mention d’une interdiction totale en 2020, malgré l’avis défavorable du gouvernement.
"Ce n’est clairement pas un bon signal : il n’y a pas de compromis entre les deux chambres sur une interdiction de principe, réagit Denis Voisin, de la Fondation Nicolas Hulot. Les sénateurs ont choisi de s’orienter vers une usine à gaz avec une charge de la preuve inversée pour chaque usage des néonicotinoïdes, plutôt que d’adopter une interdiction totale avec des dérogations pour les filières où il n’existe pas d’alternative."
Une droite qui fustige l’écologie
A contre-courant de la majorité de son parti, le rapporteur du texte, le sénateur républicain de la Somme Jérôme Bignon, était lui aussi favorable au compromis proposé par le gouvernement. "Je tâche de faire preuve de pédagogie en expliquant qu’il va falloir arrêter d’utiliser ces produits, on n’est pas à deux ans près pour y parvenir. J’essaie de convaincre mes collègues que ce n’est pas une affaire de quelques écolos contre le reste du monde, mais une préoccupation partagée par l’immense majorité de la société", expliquait-il en amont du vote.
Mais l’opposition de certains agriculteurs a fait monter la pression ces dernières semaines sur ce sujet. Alors que plusieurs ONG et organisations professionnelles, dont la Confédération paysanne, ont demandé aux sénateurs de promouvoir des "alternatives sans chimie" à ces pesticides, l’AGPB (Association générale des producteurs de blé) ou encore la CGB (Confédération des planteurs de betterave) ont rétorqué que les solutions alternatives étaient "théoriques" et qu’elles "pénaliseraient les industries dont l’activité est liée aux niveaux des récoltes" avec des pertes de rendement importantes, "pouvant aller, selon les régions françaises, jusqu’à 20%" estime l’Institut technique de la betterave.
Par ailleurs, le climat à droite est loin d’être favorable aux thématiques environnementales. Nicolas Sarkozy, le président du parti Les Républicains, a lui-même donné le ton avec des déclarations qui n’ont pas manqué de faire polémique. Au sujet de la transition vers l’agro-écologie, il a estimé qu’il s’agissait d’une préoccupation pour "bobos", "faux nez d’une véritable obsession pour la destruction de notre puissance agricole".
Une biodiversité en perte de vitesse
Selon les organisations écologistes, qui plaident pour l'arrêt total et rapide des néonicotinoïdes, depuis le milieu des années 1990, 30% des colonies d'abeilles meurent chaque année. Avant 1995, date de l'apparition de ces pesticides sur le marché français, "les mortalités avoisinaient seulement les 5%", expliquent-elles. Une étude de Naturparif, publiée mardi 10 mai sur l’Ile-de-France, recense elle aussi une biodiversité appauvrie au cours des treize dernières années. La région parisienne a ainsi perdu un cinquième de ses oiseaux, les milieux agricoles 20% de leurs plantes et 18% de papillons. Une "baisse de biodiversité catastrophique" qui est notamment "l’effet des néonicotinoïdes, qui ne se contentent pas de tuer les abeilles mais perturbent l’ensemble de la biodiversité", martèle le sénateur écologiste Ronan Dantec.
Désormais, le projet de loi sur la biodiversité doit être examiné en commission mixte paritaire d’ici la fin mai. Si les deux chambres parlementaires n’aboutissent pas à un compromis, le dernier mot reviendra, comme toujours, à l’Assemblée nationale.
Concepcion Alvarez
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